Castor et Mollusque

Les fruits dorés et lourds d’un beau verger carré

Allèchent les animaux de forêt ou de brousse.

Mais l’accès de la faune au festin est barré

Par une sombre fosse large de cent-un pouces.

Comment franchir ce gouffre sans se briser les pattes

Pour enfin déguster melons et pamplemousses ?

Le besogneux castor a préparé mille lattes

Belles, fines et robustes mais longues de cent pouces.

Le lion enrage devant ce tas de bois trop courts

Et les fruits pour gibier menace de troquer.

Equipés des bâtons les animaux autour

N’ont plus qu’une obsession : ne pas finir croquer.

Le sanglier amasse ses planches en monticule

Place en travers une poutre et y assoit sa laie

S’élance, saute et retombe au bout de sa bascule

Projetant sa femelle qui sur lui vient s’échouer.

Le kangourou saisit une perche et accourt

Il plante son levier et s’élève… Mais sa poche

Attrape le bâton si bien que le balourd

Au sommet de son mat attend qu’on le décroche.

Pour se faire pardonner le castor à son tour

Se remet au travail et empile comme une voûte

Les lambourdes une à une en une frêle tour

Qui s’effondre et annonce de l’espoir la déroute.

Un poulpe qui jusqu’alors s’était fait très discret

Appelle l’assistance et montre son chef-d’œuvre.

Depuis ce jour les mers, les steppes ou les forêts

Raisonnent de l’adage « rusé comme une pieuvre »

Le lion vers les fruits mûrs concentre ses pensées.

Chacun vénère alors ce revirement brusque

Et soulagé profite des bons fruits du verger.

Mais qu’a donc inventé leur héros, le mollusque ?